Julien Green

Épaves

France   1932

Genre de texte
roman

Contexte
Ce troisième rêve se situe au milieu de la troisième et dernière partie du roman, à la fin du troisième de ses six chapitres.

Philippe Cléry est marié depuis onze ans avec Henriette, dont il a deux enfants. L'aîné, Robert, est sur le point d'entrer au petit lycée. Il fait avec lui de fréquentes promenades. Philippe s'est toujours caché que son épouse ne l'a jamais aimé, ce qui est de plus en plus évident, mais il vient d'apprendre, l'ayant fait suivre, qu'elle a un amant qu'elle voit tous les dimanches dans un quartier de la Madeleine. Un dimanche après-midi, il entraîne son fils jusqu'à l'immeuble sordide où sa femme riche et élégante vient de rejoindre son amant; il passe devant la porte du deuxième étage où se trouve l'appartement de Victor Tisserand, puis monte au palier du troisième. C'est à ce moment que le narrateur évoque ce « rêve ».

Notes
Ils : Philippe et son jeune fils Robert, qu'il a entraîné avec lui dans cette « promenade ».

Sa femme : Henriette, qu'il a fait suivre. Il sait depuis un mois qu'elle vient chaque dimanche rejoindre son amant, Victor Tisserand, dans cet appartement sordide du quartier de la Madeleine.

Texte témoin
Julien Green, Épaves, Paris, Plon (coll. « La Palatine »), 1932, p. 261-262.

Édition originale
Julien Green, Épaves, Paris, Plon (coll. « La Palatine »), 1932, p. 261-262.

Édition critique
Julien Green, Œuvres complètes, éd. Jacques Petit, vol. 1, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la pléiade »), 1972, « Ã‰paves », p. x-y.

Bibliographie
FIELD, Trevor, « The litterary significance of dreams in the novels of Julien Green », Modern Language Review, Cambridge, 1980, no 75, p. 291-300, notamment p. 292-294.




Un rêve prémonitoire

Il surprend sa femme

Comme ils * franchissaient le palier du deuxième étage, une émotion violente fit batte le coeur de Philippe, et il dut s'appuyer un instant à la rampe qui trembla sous son poids. Sa femme * était là, derrière cette porte, il le savait [...].

[...]

Il prit son fils par la main et monta lentement au troisième étage. Depuis un mois, il luttait contre l'envie de se trouver là, un dimanche après-midi. [...] Une nuit il y rêva : il se vit dans cette maison dont il ne connaissait que la façade. En songe il gravit un escalier circulaire et s'arrêta devant une porte, n'osant entrer; des sentiments étranges agitaient son coeur, le désir de surprendre sa femme au moment où elle sortirait, de lui faire peur, de devenir tout à coup une sorte de justicier à ses propres yeux, et en même temps la crainte de tout cela. Et puis (mais c'était toujours en rêve) un inexplicable plaisir de se sentir là, tout près.

Aujourd'hui, certes, il n'éprouvait aucun plaisir; seulement une curiosité, mais une curiosité singulière, furieuse. Il essaya d'imaginer la passion de cet homme pour sa femme, et s'aida de ses propres souvenirs.

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