Homère

L’Odyssée

Grèce   -800

Genre de texte
épopée

Contexte
Cet épisode a lieu dans la troisième et dernière partie de l’Odyssée, où Ulysse, rentré en Ithaque, retrouve son entourage et châtie ceux qui tentaient de prendre sa place aux côtés de sa femme. Le rêve se situe plus précisément dans les vers 535 à 553 du chant XIX.

Ulysse, rentré chez lui, est déguisé en mendiant par la déesse Athéna, et il cherche l’occasion d’exécuter sa vengeance sur les prétendants qui mangent ses biens et tentent de séduire Pénélope, son épouse. Prudent, il refuse même de se révéler à cette dernière, si bien qu’elle se confie à lui pour interpréter un rêve qui annonce son retour.

Notes
Ulysse : roi d’Ithaque héros de la guerre de Troie (qu’Homère raconte dans l’Iliade).

Les portes de corne et d’ivoire ne doivent pas être interprétées en regard du sémantisme de ces deux matières. Il s’agit ici d’un jeu de mots ou plus exactement d’un calembour du genre «un éléphant, ça trompe». En effet, la corne se dit en grec keras/keraessi, mot qui présente un air de famille avec le verbe krainousi qui signifie «se réalisent». Le mot grec elephas/ elephantos désigne l’ivoire et ce mot est mis en relation avec le verbe elephairontai qui veut dire «tromper». Victor Bérard a tenté de rendre ce jeu de mots en opposant ivraie de paroles et cornent le succès.

Texte original

Texte témoin
Homère, Odyssée, XIX, 535-553. Trad. Victor Bérard, coll. Budé, Les Belles Lettres, Paris, 1962,v. 3, p. 89-90, XIX, 535-553

Édition originale
Homer, Odyssey, Site Perseus tel que vu le 20/12/04, basé sur Homer, The Odyssey, trad. angl. A. T. Murray, Harvard University Press, London, 1919 (2 volumes)




Deuxième rêve de Pénélope

Le massacre des oies

« Mais, voyons, donne-moi ton avis sur un songe, que je m'en vais te dire … Je voyais dans ma cour mes vingt oies qui, sortant de l’eau, mangeaient le grain : leur vue me faisait joie, lorsque, de la montagne, un grand aigle survint qui, de son bec courbé, brisa le col à toutes; elles gisaient en tas, pendant que, vers l’azur des dieux, il remontait. Et toujours en mon songe, je pleurais et criais, et j’étais entourée d’Achéennes bouclées, qu’attiraient mes sanglots, et je pleurais sur mes oies que l’aigle avait tuées… Mais sur le bord du toit, il revint se poser et, pour me consoler, prenant la voix humaine : «Fille du glorieux Icare, sois sans crainte! Ceci n’est pas un songe; c’est bien ce qui va s’accomplir! Les prétendants seront ces oies; je serai l’aigle, envolé tout à l’heure, à présent revenu. Moi, ton époux, je vais donner aux prétendants une mort misérable!» Il disait; le sommeil de miel m’avait quittée : à travers le manoir, j’allai compter mes oies; tout comme à l’ordinaire, je les vis becqueter le grain auprès de l’auge.»

Ulysse l'avisé lui fit cette réponse: «Femme, je ne vois pas que l'on puisse donner d'autre sens à ton rêve. De la bouche d'Ulysse en personne, tu sais ce qui doit advenir: pour tous les prétendants, c'est la mort assurée; pas un n'évitera le trépas et les Parques.»

La plus sage des femmes, Pénélope, reprit: «Ô mon hôte, je sais la vanité des songes et leur obscur langage!... je sais, pour les humains, combien peu s'accomplissent! Les songes vacillants nous viennent de deux portes; l'une est formée de corne; l'autre est formée d'ivoire; quand un songe nous vient par l'ivoire scié, ce n'est que tromperies, simple ivraie de paroles; ceux que laisse passer la corne bien polie nous cornent le succès du mortel qui les voit. Mais ce n'est pas de là que m'est venu, je crois, ce songe redoutable! nous en aurions, mon fils et moi, trop de bonheur!»

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