Annie Ernaux

Passion simple

France   1991

Genre de texte

Contexte
La narratrice vit dans l’attente des visites très irrégulières de son amant, A., un diplomate russe à Paris.

Notes
Voir les rêves extraits du journal que l’auteur a tenu sur cette période.

Édition originale
Passion simple, 1991, Paris, Gallimard, p. 59-60.





Un temps réversible

Dans mes rêves, il y avait aussi ce désir d’un temps réversible. Je parlais et me disputais avec ma mère (décédée), redevenue vivante, mais je savais dans mon rêve — et elle aussi — qu’elle avait été morte. Cela n’avait aucun caractère extraordinaire, sa mort était derrière elle, comme «une bonne chose de faite», voilà tout. (Il me semble que ce rêve m’est venu souvent). Une autre fois, c’était une petite fille en maillot de bain qui disparaissait au cours d’une excursion. La reconstitution du crime avait lieu aussitôt. L’enfant ressuscitait alors pour refaire elle-même l’itinéraire qui l’avait menée à sa propre mort. Mais pour le juge, la connaissance de la vérité compliquait la reconstitution. Dans les autres rêves, je perdais mon sac, ma route, je ne parvenais pas à remplir ma valise pour un train imminent. Je revoyais A. au milieu de gens, il ne me regardait pas. Nous étions ensemble dans un taxi, je le caressais, son sexe restait inerte. Plus tard, il m’est apparu de nouveau avec son désir. On se retrouvait dans les toilettes d’un café, dans une rue le long d’un mur, il me prenait sans un mot.

Page d'accueil

- +