Charles de Mouhy

La Paysanne parvenue

France   1735

Genre de texte
prose, roman

Contexte
Le rêve se situe dans la partie 3 du roman qui en compte 12.

Jeannette, une jeune paysanne, doit épouser un financier qu’elle n’aime pas. Mais elle est aimée d’un marquis qui a un rival en la personne de M. Delbieu. Après une scène où le marquis lui avoue son amour, Jeannette est mise dans un couvent par ses protecteurs. Elle y fait un songe funeste. Heureusement, la réalité sera fort différente de ce qu’elle avait craint.

Texte témoin
La Paysanne parvenue ou les Mémoires de Mme la Marquise de L. V. Amsterdam, [s.n.], 1739, p. 179-180. Document disponible sur Gallica.




Le rêve d’une jeune paysanne

Jeannette craint pour son marquis

J’étois si accablée de tout ce que j’essuyois depuis si long-tems, qu’il ne me fut pas possible de souper. Je demandai la liberté de me coucher; l’on me conduisit dans une petite chambre assez propre, où dès que je fus seule, je me mis au lit, et m’abandonnai à la douleur. Je fus les deux tiers de la nuit dans la situation la plus violente: le marquis étoit si avant dans mon esprit, que je le voyois present, et il me sembloit qu’il se plaignoit encore à mes genoux: je le consolois; hélas! Que je lui tenois un langage différent de celui dont il a été parlé! Qu’il eut été heureux s’il l’eut entendu! Je me reprochois de ne lui avoir pas donné de plus tendres marques de mon amour. Ceux qui ont aimé ou qui aiment se mettront aisément à ma place, et conviendront que cette nuit devoit m’être bien cruelle. Mon accablement fit place à un repos inquiet et terrible ; les situations presentes revinrent à ce sommeil agité; je ne rêvai qu’aux choses les plus desagréables, je vis des enlévemens et des combats; le marquis tombe sous les coups du terrible chevalier Delbieu; il rend les derniers soupirs en m’assurant de toute sa tendresse. ô ciel! Je deviens la proye du vainqueur: ce songe me parut si réel que je me réveillai en sursaut, en jettant un grand cri.

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