Sa mère sur un catafalque

J'ai rêvé d'elle. J'entrais dans sa chambre, mais ce n'était plus celle de l'hôpital de Villeneuve; il s'agissait d'une pièce sombre, médiévale, et à la fenêtre un ciel pluvieux opprimait les pignons vert-de-gris du Vieux-Québec. Le lit de ma mère était une chose ancienne et monumentale, au baldaquin orné de voiles effilochés. Elle reposait sur ce catafalque mais sa chevelure était un écheveau de glaçons. Ses joues étaient creuses, ses traits émaciés. Maman était ratatinée, flétrie par un âge inconcevable. Elle semblait dormir depuis des siècles dans ce donjon et n'était plus que la momie d'elle-même. Je me suis éveillé dans la quiétude qui précède l'arrivée des mouettes et ma première pensée est allée à l'iguane. Peut-il s'agir du songe qui ... m'a été promis?

Le rêve m'obsédait encore lorsque nous sommes allés visiter Maman et, voyant s'imprimer sur son visage le terrible masque parcheminé, j'ai compris tout à coup que le songe était de nature prémonitoire: j'avais vu Maman telle qu'elle allait devenir si rien n'était fait pour la réveiller. J'ai su alors que ce serait une erreur grave de l'expédier à Québec et que nous devions sans tarder l'extraire de ce lit, sans quoi elle résiderait à jamais dans les limbes.