Gérard de Nerval

Aurélia

France   1855

Genre de texte
récit

Contexte
Ce rêve correspond à l'essentiel du chapitre 3 de la deuxième partie d'Aurélia : après le premier alinéa, il fait en deux alinéas la seconde moitié du chapitre.

Le narrateur, incapable de se débarrasser d'une culpabilité aiguë, est de plus en plus tourmenté jour et nuit. Il espère encore le pardon dans le rêve qu'il considère comme une porte de communication avec le monde des esprits.

Notes
* Ce rêve fait suite à celui de la veille (le septième d'Aurélia), soit le rêve fait à l'auberge où Aurélia est apparue au rêveur qui n'a pu la retrouver ensuite à la maison de son ami. Le rêve où il l'a, croit-il, perdue.

Dix ans: cela correspond à la conviction confirmée par le premier rêve, ouvrant Aurélia au chapitre 2 (soit 1841 et 1851)

Commentaires
Michel Crouzet, « La rhétorique du rêve dans Aurélia » dans Jacques Huré, Joseph Jurt et Robert Kopp (dir.), Nerval : une poétique du rêve, actes du colloque de Bâle, Mulhouse et Fribourg, 10-12 novembre 1986, Paris et Genève, Champion et Slatkine, 1989, p. 183-207.

Texte témoin
Gérard de Nerval, Œuvres, texte établi, annoté et présenté par Albert Béguin et Jean Richer, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la Pléiade »), 1952, p. 392- 393.

Édition originale
Gérard de Nerval, « Aurélia », Revue de Paris, (1er janvier 1855, pour la première partie, 15 février pour la seconde).

Édition critique
Gérard de Nerval, Œuvres, texte établi, annoté et présenté par Albert Béguin et Jean Richer, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la Pléiade »), 1952, p. 392-393, rééd. 1955, p. 396-397.

--, Aurélia, éd. de Pierre-Georges Castex, Paris, SEDES, 1971, p. 60-61.

--, Aurélia [et autres oeuvres], éd. de Jacques Bony, Paris, Flammarion (coll. « GF-Flammarion »), 1990, p. 291.

--, Aurélia ou le Rêve et la vie; les Nuits d'octobre; Petits Châteaux de Bohême; Promenades et souvenirs, préface et commentaire par Gabrielle Chamarat-Malandain, Paris, Pocket (coll. « Lire et voir les classiques »), 1994.




Le huitième rêve

Expliquer l’énigme fatale

La nuit suivante*, je ne pus dormir que peu d'instants. Une femme qui avait pris soin de ma jeunesse m'apparut dans le rêve et me fit reproche d'une faute très grave que j'avais commise autrefois. Je la reconnaissais, quoiqu'elle parût beaucoup plus vieille que dans les derniers temps où je l'avais vue. Cela même me faisait songer amèrement que j'avais négligé d'aller la visiter à ses derniers instants. Il me sembla qu'elle me disait : «Tu n'as pas pleuré tes vieux parents aussi vivement que tu as pleuré cette femme. Comment peux-tu donc espérer le pardon?». Le rêve devint confus. Des figures de personnes que j'avais connues en divers temps passèrent rapidement devant mes yeux. Elles défilaient, s'éclairant, pâlissant et retombant dans la nuit comme les grains d'un chapelet dont le lien s'est brisé. Je vis ensuite se former vaguement des images plastiques de l'antiquité qui s'ébauchaient, se fixaient et semblaient représenter des symboles dont je ne saisissais que difficilement l'idée. Seulement, je crus que cela voulait dire : «Tout cela était fait pour t'enseigner le secret de la vie, et tu n'as pas compris. Les religions et les fables, les saints et les poètes s'accordaient à expliquer l'énigme fatale, et tu as mal interprété... Maintenant il est trop tard!».

Je me levai plein de terreur, me disant : «C'est mon dernier jour!». À dix ans d'intervalle*, la même idée que j'ai tracée dans la première partie de ce récit me revenait plus positive encore et plus menaçante.

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