Paul Éluard

Le lit la table

France   1944

Genre de texte
Poésie

Contexte
Tyrol : Paul Éluard a séjourné au Tyrol avec un groupe Dada durant les étés 1921 et 1922 (Note de l’édition Pléiade).

Texte témoin
Le lit la table dans Œuvres complètes, I, Préface et chronologie de Lucien Scheler. Textes établis et annotés par Marcelle Dumas et Lucien Scheler. Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. 1208-9.




21 septembre 1943

Les prisons étaient vides

J'ai rêvé que je marchais vite
Sur les routes du Tyrol
Parfois pour aller plus vite
Je marchais à quatre pattes
Et mes paumes étaient dures
Et de belles paysannes
À la mode de là-bas
Me croisaient me saluaient
D'un geste doux
Et j'arrivai aux prisons

On avait mis des rubans aux fenêtres
Les portes étaient grandes ouvertes
Et les prisons étaient vides
Je pouvais y habiter
Entrer sortir à mon gré
Je pouvais y travailler
Je pouvais y être heureux
En bas dans une écurie
Des chevaux noirs enrubannés
Attendaient mon bon plaisir
Comme de l'eau dans le soleil
Les murs tremblaient
Sur la place les paysannes
Riaient sans savoir pourquoi
C'était la fête de la neige
En plein été parmi les fleurs

Je repartis gonflé d'air pur
Léger rapide sur les routes
J'arrivai aux mêmes prisons
Ensoleillées vides et gaies
Je me suis réveillé surpris
De n'avoir pas rencontré d'homme.

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