Achille Tatius

Les aventures de Leucippé et Clitophon

Grèce   200

Genre de texte
Roman

Contexte
Ce rêve apparaît au tout début du roman. Le narrateur est un jeune homme dont la mère est morte et dont le père a décidé qu’il épouserait sa demi-sœur, Calligoné, que son père a eu d'un second mariage. Mais le jeune homme va tomber amoureux d’une cousine qui arrive inopinément. Dans la société grecque, les mariages consanguins étaient permis, sauf entre frère et soeur nés d'une même mère.

La femme terrifiante qui apparaît au narrateur possède les attributs caractéristiques de la Gorgone Méduse, à la chevelure de serpents.


Le Bernin, Tête de Méduse, Musée du Capitole. (Photo Aly Abbara)

Notes
La date de publication est très incertaine. Selon Pierre Grimal, certains indices incitent à croire que le roman sous sa forme actuelle résulterait d’un remaniement effectué au IIIe siècle d’un noyau primitif datant du IIe siècle. Achille Tatius était d'Alexandrie.

Les rêves ont une fonction diégétique très importante dans ce roman. Tous les personnages positifs y rêvent à tour de rôle et parfois en même temps.

Texte témoin
Romans grecs et latins. Textes présentés, traduits et annotés par Pierre Grimal, Paris, Gallimard, NRF, Collection de la Pléiade, 1980, p. 874-1023. Extrait : p. 878.




Un rêve prémonitoire

Une femme terrifiante

La divinité se plaît souvent à révéler, en songe, le futur aux hommes – non pas pour qu'ils évitent ainsi le malheur (car personne ne peut être plus fort que le Destin), mais pour qu'ils supportent plus aisément leurs souffrances. Car ce qui survient tout à la fois brusquement, et sans qu'on s'y attende, bouleverse l'esprit sous la brutalité du coup et le submerge; tandis que ce à quoi l'on s'est attendu avant de le subir a pu, par l'accoutumance graduelle, émousser le chagrin. Bref, j'avais dix-neuf ans, et mon père se préparait à célébrer mon mariage l'année suivante lorsque la Fortune commença toute l'aventure. Il me sembla, en rêve, que ma sœur Calligoné et moi, nous n'avions plus qu'un corps à partir du nombril jusqu'en bas, tandis que, vers le haut, nous en formions deux; et voici qu'au-dessus de moi se dresse une femme terrifiante, immense, une expression de visage féroce. Ses yeux étaient injectés de sang, sa figure effrayante, des serpents formaient sa chevelure; elle avait un cimeterre dans la main droite, une torche dans la gauche; elle se précipita sur moi d'un air furieux en brandissant son cimeterre, me porta un coup à la hauteur des hanches, à l'endroit où les deux corps n'en formaient plus qu'un, et sépara de moi la jeune fille. Épouvanté, je m'éveillai en sursaut, de terreur; et je ne racontais rien à personne, mais je nourrissais à part moi de tristes pressentiments.

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