Bernard Assiniwi

Anish-Nah-Bé : contes adultes du pays algonkin

Québec   1971

Genre de texte
Conte

Contexte
Extrait du conte «Ayâmi» : La rivière perdue (p. 79-96).

Vision prémonitoire d’Ayâmi l’Iyiniw : Mikusk, sa compagne, lui parle d’un autre monde où elle est prise au piège (qui, on le saura plus tard, n’est pas le royaume des morts, mais un monde inconnu des Iyiniwok, là où «les fleurs, les oiseaux, les arbres, les ruisseaux sont rêves. Et la faim, la soif, le sommeil n’existent pas.» (p. 83-84)

Notes
Selon le lexique des mots indiens contenu dans cet ouvrage :

WAKINAGAN : Épinette rouge ; habitation d’épinette rouge

PASTEWO :Bois mort sec

IYINIWOK :Les hommes

OTTÂWIMAWO :Le père

Édition originale
Bernard Assiniwi et Isabelle Myre, Anish-Nah-Bé : contes adultes du pays algonkin, Montréal, Leméac, coll. «Ni-T’Chawama / Mon ami mon frère» 1971, p. 79-81.




L’appel de sa compagne

Vision prémonitoire d’Ayâmi

Bien sûr, WAKINAGAN était à un demi-soleil de marche seulement ! Mais comment y parvenir sans manger? et se reposer un peu ?

Il mangea donc tout un lièvre et en suça toute la moelle des os, l’IYINIW.

Le temps coulait comme du sable fin entre les doigts !
Douce... si douce la chaleur du feu de PASTEWO !
Une fois étendu, eut-il même le temps de se demander depuis combien de soleils il avait quitté WAKINAGAN ?.... Il avait marché longtemps… si longtemps... tellement longtemps…

Le temps coulait comme du sable entre les doigts !
Un sommeil de demi-conscience l’emporta. Il avait toujours faim, AYÂMI, l’IYINIW. Il sombra dans cet état d’extrême lucidité somnolente, tant recherché par les IYINIWOK, mais bien peu souvent atteint.

Sous ses paupières closes, dansaient les images. Un son strident, puis un sifflement lui firent mal aux oreilles.

Et par son nom, «AYÂMI», une voix l’appela.

MIKUSK (voix écho) : AYÂMI… AYÂMI… écoute-moi… AYÂMI… c’est moi, MIKUSK, ta compagne…AYÂMI, c’est moi, MIKUSK, ta compagne… AYÂMI… MIKUSK est dans un autre monde maintenant… Viens, AYÂMI… viens me rejoindre. Un seul désir est mien désormais… que tu me rejoignes, AYÂMI… que tu me rejoignes… rejoignes… rejoignes…

NARRATEUR : Et AYÂMI n’entendit plus la voix. Brusquement, il sortit de sa somnolence.

Le cœur tout mêlé par l’étrangeté de son rêve, il ne sut que penser, l’IYINIW.

Ce rêve ressemblait à tous les rêves ordinaires…

Sauf pour l’angoisse qui en découlait... Son père, OTTÂWIMAWO, possédait l’art d’interpréter les visions du sommeil.

AYÂMI, l’IYINIW, tenta de définir le sens des images floues, des sons et des mots... Mais sauf pour l’angoisse qui en découlait...il n’y découvrit aucune signification particulière…

Sauf pour l’angoisse qui en découlait…
Il se sentit soudain seul… abandonné… désemparé... absolument vide.

Quelque chose venait de se produire... MIKUSK... quelque chose était arrivé à MIKUSK… MIKUSK, à WAKINAGAN, courait un grave danger.

Page d'accueil

- +