Victor Hugo
Le Rhin : lettres à un ami Genre de texte Contexte En se dirigeant vers Bingen, Hugo s'attend à voir dans les montagnes la tour de Maüsethur. Il se rappelle alors un épisode de son enfance relié à cet édifice en ruine qu'on croit frappé d'une malédiction et hanté. Texte témoin
correspondance
Ces 39 lettres se présentent comme les récits de voyages qu'a faits Hugo entre 1838 et 1840 le long du Rhin. Le récit de rêve se situe dans la lettre XX qui raconte le trajet de Lorch à Bingen (27 août).
Œuvres complètes de Victor Hugo : en voyage. I , Paris, Ollendorff, 1906, p. 176.
Tableau d’une tour en ruine
Dans mon enfance, j'avais au-dessus de mon lit un petit tableau entouré d'un cadre noir que je ne sais quelle servante allemande avait accroché au mur. Il représentait une vieille tour isolée, moisie, délabrée, entourée d'eaux profondes et noires, qui la couvraient de vapeurs, et de montagnes qui la couvraient d'ombre. Le ciel de cette tour était morne et plein de nuées hideuses. Le soir, après avoir prié Dieu et avant de m'endormir, je regardais toujours ce tableau. La nuit je le revoyais dans mes rêves, et je l'y revoyais terrible. La tour grandissait, l'eau bouillonnait, un éclair tombait des nuées, le vent sifflait dans les montagnes et semblait par moments jeter des clameurs. Un jour, je demandai à la servante comment s'appelait cette tour. Elle me répondit, en faisant un signe de croix, la Maüsethurm.