Timothy Findley

Pilgrim

Canada   1999

Genre de texte
Roman

Contexte
Ce texte appartient à un journal qui aurait été tenu par Pilgrim. L’entrée est datée du 30 novembre 1900, soit douze ans avant les événements du récit principal. Comme dans les autres «rêves», Pilgrim anticipe la sauvagerie de la Guerre 14-18.

Notes
Menin est une commune de Belgique, située à 24 km de la ville d’Ypres, où eurent lieu des batailles sanglantes durant la Première Guerre mondiale. Les armes chimiques y ont été utilisées pour la première fois. La dernière de ces batailles sera remportée par le bataillon canadien à Passendaele.

Texte original

Texte témoin
HarperFlamingo, 1999, p. 277. (traduction française : C.V.)




Vision de Pilgrim

La bataille d’Ypres

Ce matin, dans le noir à 6h, j’ai eu un autre de ces rêves qui m’accablent depuis peu et je me suis éveillé, couvert d’une sueur froide et cherchant la lampe. Je l’ai presque fait tomber, mais ai réussi à la rattraper à temps. Dans le tiroir à côté de moi, j’ai trouvé mon carnet et un stylo. Mes doigts tremblaient tellement que je pouvais à peine les faire fonctionner. Une fois que j’eus réussi à me ressaisir, j’ai commencé la transcription de ce qui s’est passé dans le rêve — mais, tout comme avec les autres, je n’ai aucune idée de ce que cela signifie. Le mot, cette fois, était Menin. J’ai maintenant trois de ces mots dans une colonne, chaque mot m’ayant été dit, comme à Delphes, à travers un cercle de feu et de fumée.

Arras
Saint-Quentin.
Et aujourd’hui : Menin.

Et la phrase «il n’y a que des pins, maintenant, parce que rien d’autre ne poussera plus ici».

Qu’est-ce que cela peut signifier, je me le demande. De tous ces noms je n’en connais qu’un seul : Arras, une ville en France. Quant aux saints, je n’en sais que peu de choses, quoique je présume que Quentin est français. Et que pourrait être Menin? Une sorte de mauvaise blague me vient à l’esprit : que Menin et Saint-Quentin, tout comme Polonius, se trouvent derrière Arras sur le point de se faire tuer. Mais par qui? Pas par Hamlet, pour sûr. Hamlet n’a jamais joué un rôle dans mes rêves. Ni rien de théâtral […]

Quant aux pins, je n’ai aucune explication. Cette image, elle aussi, appartient à un ensemble, ou à une séquence. Il y a quatre jours, j’ai rêvé d’un paysage qu’un fleuve avait inondé parce que ses digues étaient bouchées par des animaux morts — moutons, chevaux, bétail, et ainsi de suite. Et il y a une semaine, des personnages vêtues d’armures anciennes — casque de fer, masque et gilet métallique — se déplaçaient sur une colline quelconque, lançant du feu à l’aide de ce qui semblait être des tuyaux d’arrosage. Tout ce qui se trouvait sur leur chemin était réduit à rien.

Tous ces noms et ces images, je les ai notés dans mon carnet près de mon lit. Si cela persiste, il n’y a qu’une seule conclusion à en tirer : c’est que je suis ramené à cette condition de laquelle j’ai tellement prié d’en être délivré.

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