Wace

Le Roman de Rou

France   1170

Genre de texte
poème épique

Contexte
Une nuit qu’il réfléchit à la cuisante défaite qu’il vient de subir de la part des anglais, le normand Rollon fait un rêve prémonitoire. Le lendemain matin, il convoque ses hommes de même que les prisonniers qu’il a pris lors de la bataille et leur raconte le songe qu’il a eu. L’un des prisonniers interprète correctement le rêve et explique à Rollon qu’une multitude d’hommes seront à son service, qu’ensemble ils se convertiront puis gagneront plusieurs batailles. Très heureux de l’interprétation du prisonnier, Rollon le libère de même que les compagnons de celui-ci.

Notes
Traduction à vérifier.

Le Roman de Rou, entrepris [par Wace] avec l’approbation du roi Henri II, sinon sur son ordre, se présente comme la suite logique du Brut : une geste des Normands venant s’ajouter à la geste des Bretons, pour former une immense œuvre de propagande en faveur des Plantagenêts.

Texte original

Texte témoin
Le Roman de Rou de Wace. Édition de A. J. Holden, Paris : Éditions A. & J. Picard & Cie, « Société des Anciens Textes Français », 1970, tome 1, vers 233-281.

Bibliographie
Article de Gilette Tyl-Labory, in Georges Grente (dir.), ‹i›Dictionnaire des Lettres françaises. Le Moyen âge. ‹/i› Édition entièrement revue et mise à jour sous la direction de Geneviève Hasenohr et Michel Zink, Paris : Fayard, 1992, p. 1498.




Le rêve de Rollon

La fontaine du baptême

Une nuit qu’il avait beaucoup réfléchi, il eut une vision dont il fut très effrayé. Dans sa vision, il était assis sur une colline si haute qu’il n’y en avait pas d’aussi haute en France. Il y avait une fontaine d’où courait une belle eau claire, nette et saine. Rollon était tout teint et noirci de lèpre. Il se baignait dans l’eau et était aussitôt guéri. La colline que Rollon voyait en songe était si garnie d’oiseaux qu’elle en était couverte de grands et de petits. Ils allaient tous se baigner dans la fontaine sur la colline. Ils s’ébattaient alors et se pourchassaient. Ils portaient des étrennes et des rameaux et allaient les cacher. Il y avait beaucoup d’oiseaux, ils occupaient toute la colline. Ils se trouvaient en plusieurs lieux où ils faisaient leur nid. Partout où ils allaient, ils obéissaient à Rollon et toutes leurs ailes gauches étaient rouges. Au matin, quand Rollon se leva, il appela ses otages et fit chercher tous ses compagnons de navire. Quand ils furent assemblés, il leur conta son songe dans le même ordre qu’il l’avait songé. Il y eut un chrétien parmi les prisonniers, qui expliqua le songe tout comme Rollon l’avait raconté. La colline de France, dit-il, sur laquelle Rollon était assis, c’était la Sainte Église où il aborderait. La fontaine de la colline, c’était un saint baptême. La lèpre, c’était le péché, puisque aucun mal n’est pire et qu’il n’existe aucun remède contre la lèpre et qu’elle n’épargne ni les rois, ni les empereurs, peu importe la taille de leur empire.

« Dans le baptême,» dit-il, « les péchés que tu as commis seront pardonnés, tu seras renouvelé et par le saint baptême tu seras sauvé. Cela ne peut être autrement. Les oiseaux qui se sont baignés dans l’eau après toi, ce sont tes compagnons qui seront aussi baptisés puis qui seront hébergés avec toi dans le pays avec les anges par grande amitié. Les nids qu’ils faisaient par terre, ce sont les maisons et les villes qu’ils édifieront. Ils recevront ensemble le corps de Notre Seigneur et le sang béni par lequel ils auront le salut. Quant aux ailes gauches vermeilles, on peut comprendre qu’ils porteront des boucliers à leur cou. Les hommes de plusieurs terres t’obéiront comme le faisaient les oiseaux sur la colline. »

Quant Rollon eut entendu l’interprétation du songe, il donna une grande récompense à celui qui la lui dit et le fit sortir de la prison. Grâce à lui, ses compagnons furent aussi libérés.

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