Virgile

L’Énéide

Rome   -19

Genre de texte
Épopée

Contexte
Énée a perdu ses vaisseaux et ne sait quel parti prendre. L’apparition de son père le remettra en marche vers sa mission. Au livre VI, il s'informera des moyens pour descendre aux Enfers voir son père. Celui-ci lui révèlera la gloire future de Rome et le raccompagnera jusqu'à la sortie des Enfers. Chose étrange, celle-ci est décrite comme dans les songes : «Anchise reconduit à cet endroit son fils et la Sibylle, et les fait sortir par la porte d'ivoire.» (VI, 898). Or, cette porte est celle qui correspond aux songes qui sont faux. Borges rapporte l'explication que donne un commentateur anonyme: «parce que nous ne sommes pas réellement dans la réalité. Pour Virgile, le monde véritable était sans doute le monde platonicien, le monde des archétypes. Énée passe par la porte d'ivoire parce qu'il entre alors dans le monde des songes -- c'est-à-dire ce que nous appelons la veille.» («Le Cauchemar», Œuvres complètes, Pléiade, vol. II, p. 659)

Notes
Rien ne semble indiquer qu’il s’agit ici d’un songe plutôt que d’une apparition. Mais, comme le souligne Jean Bouquet, le récit est conforme au modèle homérique du songe et il est introduit par le mot videri qui annonce habituellement un récit onirique.

Texte original

Texte témoin
Énéide, 5, 720-45. Texte et traduction extraits de Itineraria electronica.

Bibliographie
Jean Bouquet, Le songe dans l’épopée latine d’Ennius à Claudien, Bruxelles, Labor, 2001.




Songe d’Énée (5)

Apparition d’Anchise

Mais de multiples soucis assaillent son esprit tiraillé, tandis que la sombre Nuit, emportée sur son char, occupait la voûte céleste. Alors, il crut que la figure de son père Anchise, tombée du ciel, lui apparaissait soudain, laissant couler ces paroles: «Mon fils, toi qui m’étais plus cher que la vie jadis, quand je vivais, mon fils, toi qui fus mis à l’épreuve pour les destins d’Ilion, je viens ici sur l’ordre de Jupiter; c’est lui qui a repoussé l’incendie loin de la flotte, et qui, du haut du ciel, t’a enfin pris en pitié. Obéis aux conseils que te donne maintenant le vieux Nautès; ce sont les meilleurs; conduis en Italie des jeunes gens d’élite, des cœurs valeureux. Dans le Latium, tu devras réduire par la guerre une race dure, aux mœurs âpres. Cependant, avant cela, rends-toi aux demeures infernales de Dis, et traversant le profond Averne, cherche, mon fils, à me rencontrer. En effet ni l’impie Tartare, ni les ombres tristes ne me retiennent; je fréquente au contraire les douces réunions des gens pieux, dans l’Élysée. La chaste Sibylle t’y conduira, en échange du sang abondant de noires victimes. Tu connaîtras alors toute ta descendance, et les remparts qui te sont destinés. Et maintenant, adieu; la Nuit humide, à mi-course, s’en retourne, et l’inflexible Soleil levant a fait souffler sur moi ses chevaux haletants.» Il en avait fini, et tel une fumée, s’enfuit dans l’air léger. Énée dit: «Mais enfin, où cours-tu? Où te précipites-tu ? Qui fuis-tu? Qui nous empêche de nous embrasser?» En racontant cela, il ranime la cendre et le feu assoupi, honore le Lare de Pergame et la blanche Vesta dans son sanctuaire.

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