Artémidore

Jugements astronomiques des songes (III, b)

Grèce   125

Texte témoin
LES JUGEMENS ASTRONOMIQUES des Songes, par ARTEMIDORE, Auteur ancien et renommé. Plus Auguste Niphe des Divinations, & Augures, par Anthoine du Moulin. A TROYES, Chez NICOLAS OUDOT, demeurant en la ruë Notre Dame : au Chapon d’Or Couronné, 1634.

Premier livre
I b. Des arts, ouvrages et exercices
II a. Des activités usuelles
II b. Des animaux
II c. De naviguer
II d. Des lieux de plaidoirie
III a. Du jeu
III b. Des plantes
IV a. De la variété des songes
IV b. Des choses qui adviennent
V. Exemples de songes

Bibliographie
Pour une version moderne et intégrale de cet ouvrage :
Artémidore :La clef des songes. Onirocritique, traduit du grec par Jean-Yves Boriaud, Paris, Arléa, 1998.

Artémidore, La clef des songes , traduit par A.J. Festugière. Paris, Vrin, 1975.

Texte original




Règles d'interprétation

[8/11]

Des plantes et arbres sortant du corps.
Songer que quelque plante sort de notre corps, c’est mort ou incisure à celui qui serait signifié par la partie, dont sort ladite plante.

De la lèpre et grattelle.
Lèpre et grattelle, sont signes de richesse et honneur aux pauvres. Aux riches et puissants, sont offices et dignités, c’est aussi révélation de secrets. Mais voir autrui lépreux et galeux, c’est fâcherie et souci : car toutes choses laides et de mauvais regard, attristent ceux qui les regardent.

Jeter des pierres ou être lapidé.
Jeter des pierres à quelqu’un, c’est assaillir quelqu’un de paroles et injures : mais être lapidé de pierre : c’est ouïr et souffrir injures, car les pierres représentent les paroles injurieuses. Souvent c’est voyage et fuite : car il faut que celui qui est assailli de pierres, fuie. Quand plusieurs jettent les pierres, ce songe est bon à celui qui espère argent, profit et utilité de plusieurs.

Des cigales.
Cigales ou grillons signifient musiciens; à ceux qui sont en nécessité, ce songe signifie absence d’amis et de support, mais seulement paroles et propos de ses affaires. A ceux qui sont en crainte, ce sont menaces sans effet; aux malades, c’est soif et mort.

Souffrir comme un autre.
Être en peine et souffrance comme un autre c’est être complice et participant de son méfait et de la peine, car les maladies et imperfections du corps, se rapportent aux passion et affections de l’âme.

Du fumier.
Voir du fumier est bon à ceux qui vivent sur le menu peuple, et qui en tirent profit, et à ceux qui sont d’état vil. C’est bon aussi à ceux qui ont charge de négoces publics. C’est bon au pauvre de dormir sur le fumier car il amassera beaucoup d’argent. Au riche, c’est état, office et honneur public car le commun apporte toujours et jette les superfluités sur le fumier. Être souillé de fumier par quelque familier, c’est inimitié avec lui et injure, mais par quelque inconnu, c’est grand dommage à venir.

Des prières et requêtes.
Prières et requêtes d’aumônes à tous mendiants, pauvres et misérables, c’est souci et fâcherie à tous ceux qui les songent, car nul ne requiert autrui sans être affligé, et nul affligé n’a raison et considération. Et s’il reçoivent argent pour aumône, c’est signe de grand péril et dommage. Et souvent c’est mort au songeur, ou à quelque sien amy. Pauvres et mendiants entrant en la maison, et emportant quelque chose, soit qu’ils le volent ou qu’on le leur donne, signifie grande adversité.

De la clef.
La clé vue par songe, à celui qui se voudrait marier, c’est signifiance de bonne chambrière. Elle est bonne à ceux qui veulent procurer et dispenser les affaires d’autrui.

Du cuisinier.
Voir le cuisinier en la maison, c’est bon à ceux qui se veulent marier car les noces ne sont pas sans cuisinier; c’est bon aussi aux pauvres, car ils auront du bien et puissance de tenir bonne et longue table; aux malades, c’est inflammation et chaleur, et larmes; c’est aussi révélation de secrets car l’appareil du cuisinier se fait et se présente devant plusieurs.

Du jeu des échecs.
Songer de jouer aux échecs, c’est gain par mensonge et déception. Voir autrui jouer c’est qu’il sera en perte par tromperie.

De l’hôtelier.
L’hôtelier qui tient hôtellerie publique, c’est mort au malade car il signifie la mort à cause qu’il reçoit toutes gens; aux autres c’est trouble et tristesse, grand danger et voyages. L’hôtellerie signifie comme l’hôtelier.

Être gardé et détenu.
Être gardé et détenu par quelqu’un, c’est empêchement d’affaires, et longueur de maladie au malade; toutefois à ceux qui sont bien bas et près de la fin c’est retour de santé car la garde et conservation représente la vie qui sera prolongée. Mais délivrance, c’est le contraire et mort. Entrer en prison et captivité de liens, soit de gré soit de force, c’est grande maladie, ou forte fâcherie. Les sergents et bourreaux, sont captivité, tristesse et révélation de secrets au malfaiteur.

Des veilles, joies, et banquets qui se font de nuit.
Veilles et festivités, nocturnes sont bonnes à ceux qui se veulent marier, et faire noces, et à ceux qui recherchent compagnie et alliances. Et aux pauvres, c’est signe de bien; aux tristes et craintifs, c’est fin de tristesse et crainte car volontiers ne veillent pas toute la nuit en danse et bonne chère sinon ceux qui sont joyeux. Aux paillards et paillardes, c’est révélation de leurs affaires, aux riches, c’est trouble et divulgation.

Des lieux d’assemblée.
Lieux de palais, de marché, théâtre, carrefours et grandes places en villes et faubourgs et Eglises, ce sont troubles, à cause de la multitude de gens qui s’assemblent en ces lieux et places. Marché rempli de biens et de gens est bon à ceux qui trafiquent; mais désert, c’est le contraire.

Des statues.
Statues d’airain bien gardées, vues bouger par songes, c’est richesse et revenu; toutefois trop grandes, ce sont grandes terreurs et des périls parce qu’on ne les pourrait voir sans frayeur. Les statues aussi représentent magistrats et gouverneurs de ville, dont ce quelles feront ou diront adviendra auxdites personnes.

De la Taupe.
La Taupe signifie l’homme aveuglé par inconvénient, et labeur en vain, et que celui qui veut être secret sera décelé par soi même.

Des oiseaux de nuit.
Chouette chat-huant, butor, chauve-souris et tout autre oiseau de nuit, c’est contraire à toute entreprise et avancement d’affaires, mais enlève les craintes et terreurs. La seule chauve-souris est bonne aux femmes enceintes car elle ne fait point d’oeufs comme tous autres oiseaux, mais des petits et porte le lait dont elle les nourrit. Si ces oiseaux sont vus en songe entrer en maison pour y habiter, c’est que la maison sera déserte, et délaissée des habitants. Celui qui va par mer ou par terre, et voit en songe un de ces oiseaux, il tombera en grande tempête, ou entre les mains des brigands.

De l’horloge.
L’horloge signifie actions, mouvements, opérations, machinations et surprises en choses nécessaires. Si l’horloge tombe, ou se rompt, c’est mal et grand danger, même aux malades. Toujours serait bien meilleur de compter les heures devant midi que celles d’après.

Conclusion de l’Auteur sur le tiers livre.
Voilà donc suffisamment comme je pense, ce qui manquait, que j’ai mis dans ce tiers livre, et qu’il ne convenait point de remettre ni d’ajouter aux deux premiers. Pour ce j’en ai aimé mieux faire un livret à part, sans rien omettre, afin de ne laisser occasion à nul d’en ajouter dans un autre ouvrage.

Maintenant, on doit bien savoir qu’il n’est rien plus fâcheux et difficile que de comprendre la complexité et la diversité des songes, et d’en tirer une règle générale, attendu que souvent l’on voit dans un même songe et un même moment, de jour ou de nuit, des choses contradictoires et sans aucun point commun.

Or il est impossible que les choses signifiées par un même songe soient contradictoires, car les songes prédisent les choses à venir. Mais comme en toute chose, il y a un ordre à observer. Si donc on aura vu par ce même songe des choses bonnes et mauvaises, alors il faut identifier lesquelles sont les premières, et lesquelles les dernières : car dans les affaires de ce monde, quelquefois aussi des occasions d’espérer ont eu une mauvaise issue, et au contraire, quelquefois les doutes et les craintes ont bien tourné. Parfois, au lieu des grands maux qu’on attendait, on en a eu de petits. Et pour petite espérance de bien, l’on n’a rien eu. Ainsi donc les songes mixtes et composés certes sont douteux et ne se peuvent pas entendre ni exposer facilement, ce qui est grief à plusieurs.

Or j’ai écrit avec ordre, et le mieux que j’ai pu, le plus clairement possible, afin que chacune de ces significations soit facile à suivre. Et comme les maîtres d’école après qu’ils ont enseigné aux enfants la connaissance et la propriété de chacune des lettres en particulier, puis toutes ensemble, ainsi je veux donner un enseignement facile à suivre, et ajouter à ce qui a été dit dans mes livres précédents, afin qu’il soit plus facile de les entendre et apprendre. Pour ceux qui ont de l’expérience et un long usage en cette matière, le propos sera facile.

Or donc au premier livre nous avons dit que la tête signifie le père de celui qui songe. Et au second que le lion signifie le Roi ou la maladie. Et au chapitre de la mort, qu’il est bon pour les pauvres de songer de mourir. Quand donc quelque homme pauvre (ayant son père riche) songe que le lion vient arracher et dévorer ou ravir sa tête, et que ledit pauvre homme en demeure mort, et sans tête, en songeant, il est vraisemblable que son père mourra, et le fera son héritier. Et par ce moyen il sortira de sa misère, et deviendra riche, attendu que ni le père ni la pauvreté ne le domineront plus : car en ce songe la tête représente le père. La perte de la tête représente la mort et la disparition du père. Le lion signifie la maladie dont le père mourra. Et la mort à ce pauvre homme représente son changement d’état, et que pauvreté sera chassée par la richesse. C’est ainsi qu’il faut conduire l’interprétation de tous les songes complexes, en faisant de chacun des chapitres et propos recueillis, comme une mixture et composition de médecine, qui se fait de plusieurs herbes et racines. Enfin, je souhaite que mes lecteurs soient débonnaires et qu’ils désirent bien vouloir lire mes livres, sans les accuser ni les blâmer, avant de les avoir lus attentivement et compris, car j’ose affirmer sous serment que ces miens livres n’induiront jamais en erreur un lecteur attentif.

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